A propos de la nuit...
"Avec nous, elle s'asseyait aux comptoirs les plus animés, demoiselle en noir étoilé. Elle dansait la samba de roda avec sa jupe que doraient les astres, en balançant ses hanches noires d' Africaine, et ses seins ondulaient comme des vagues. Elle entrait dans le jeu de la capoeira, savait les coups de maître, en inventait parfois, damnée créatrice, elle bousculait les règles, ô nuit folâtre! Dans la ronde des iawôs c'était l'orischa le plus acclamé, le cheval de tous les saints, Osholufa avec ses bâtons d'argent -qu'Oshala s'incline- de Yemanja, mère des poissons, de Shangô, maître des éclairs et du tonnerre, d'Oshossi, divinité des humides forêts, d'Omolu aux mains marquées par la variole, elle était tour à tour Oshumaré de l'arc-en-ciel aux sept couleurs, Oshum le dévergondé, Iansa la guerrière, et aussi les rivières et les sources d'Eua; toutes les couleurs, toutes les formes, les herbes d'Ossane et ses pouvoirs, ses charmes et ses sortilèges faits d'ombres et de mirages.
(...)
Et quel travail elle nous donnait quand nous l'emmenions en mer, sur nos barques légères, pour manger du poisson au piment, à grand renfort de cachaça et de guitare.
Elle apportait avec elle, cachés sous son manteau, les pluies et les vents. et quand la fête devenait douce, que s'élevaient les romances et que les filles avaient un goût de sel et de marée, elle déchaînait les vents et les tempêtes.
Ce n'était plus les plaines au clair de lune, ce doux gardiennage d'harmonicas et de guitares, l'abandon des corps tièdes, c'était les abîmes de la mer, quand elle, la folle, la furie, femme de la peur et du mystère, soeur de la mort, éteignait le clair de lune, les étoiles et les lanternes des barques.
Combien de fois avons nous du la prendre à bras le corps pour qu'elle ne se précipite pas dans la mer de Bahia et pour que le monde ne demeure pas, à jamais et pour l'éternité, pour l'éternité et à jamais, jour clair, heure solaire sans aube ni crépuscule, sans ombre, sans couleur et sans mystère, un monde si lumineux qu'on n'y pourrait rien distinguer. (...) "
2 commentaires:
Merci !
Quel plaisir de retrouver ta sensibilité, la poésie de cette offrande !
mj
Oui, c'est vrai, on en aimerait d'autres.
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